Sur Arte, dans un film émouvant, Rémi Delescluse, né en France d'un donneur anonyme, enquête sur son géniteur et rencontre celles et ceux qui militent pour la levée du secret dans leurs Associations Origine et PMAnonymes.
Dans ce reportage, il parle de la douloureuse prise de conscience lorsqu'il comprend que son papa n'est pas son père biologique. Il se sent pousser par une envie irraisonnée de retrouver celui-ci mais il apprend que la France fait obstruction totale. Alors il prend la décision de mener une grande enquête pour lever le voile sur ce donneur anonyme.
Il nous apprend qu'en France aujourd'hui, un donneur anonyme peut avoir jusqu'à 10 enfants, soit 10 demi-frères et soeurs potentiels. Aujourd'hui, on estime qu'il y a 70 000 enfants issus de dons de sperme et seul 7% sont informés de cette situation.
Ces 7% trouvent injustes de ne pas pouvoir obtenir des infos sur les donneurs.
Dans d'autres pays, cette limitation n'existe même pas !
Au CECOS de Nancy, on détruisait l'identité du donneur dès lors que les paillettes de sperme étaient utilisées. Les chercheurs ont bien pensé que devenus adultes, les enfants issus de ces inséminations chercheraient probablement des infos et c'est pour protéger les donneurs qu'il fut dit que cette destruction serait systématique.
Donneurs sauvages, donneurs réguliers, motivés par l'argent ou par leur expérience de vie, chaque donneur a son parcours propre.
Rémi Delescluse nous présente aussi deux jeunes gens qui se sont rencontrés dans lors d'une soirée associative. Leur crainte, une fois qu'ils ont su être issus d'un don de sperme, c'est d'être issus du même donneur et donc susceptible de souffrir d'une consanguinité.
Afin d'obtenir une réponse, une plainte contre l'Etat français est déposée par Audrey Kermalvezen -devenue avocate- pour lever le voile du secret. Malheureusement, cette plainte reste sans suite.
En effet, que faire d'autre lorsqu'on apprend, comme dans le cas d'Audrey, que cette jeune femme défendue 7 ans plus tôt pour une affaire de ce type et devenue par la suite une amie, est en réalité sa demi-soeur ?... Quels rapports, quels liens peuvent se développer entre des personnes en sachant la genèse de cette histoire ?
Si au départ, l'envie d'aider les couples stériles est le moteur principal qui a permis de lancer le CECOS -centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains-, ce fut aussi l'opportunité pour certains gynécologues d'augmenter leur chiffre d'affaires. Par ailleurs, ces dons anonymes furent un moyen d'arrondir les fins de mois pour les donneurs : on leur donnait 350 Francs par don.
Une somme coquette il y a une trentaine d'années !
Le souci, c'est qu'il n'y avait pas de limitation d'utilisation de ces spermatozoïdes et on peut penser qu'un même donneur a pu concevoir, sans le savoir, environ 150 à 200 enfants pendant cette période.
Cet obstacle de taille qu'est l'empêchement à connaître leur origine a renforcé la détermination des enfants devenus adultes. Pour connaître leurs éventuels "demi" frères et soeurs, pour connaître d'éventuelles maladies héréditaires, pour éviter de tomber amoureux d'un membre proche de sa famille, parce qu'on est souvent attiré par ce qui nous ressemble.
Seul le test ADN proposé par des laboratoires américains permettent de rapprocher les similitudes entre personnes issus de donneurs anonymes. Cet ADN est comparé à des millions d'autres échantillons. Il coûte environ 150 euros.
Ces jeunes gens sont tout à faits prêts à débourser cette somme pour en savoir plus au bout de 3 semaines d'une attente anxieuse. Mais l'Etat français qui interdit cet accès au savoir, puni les contrevenants d'une amende de 3 750 € !
La douleur, l'émotion, la colère sont présentes devant ces faits.
Suisse, Grande-Bretagne autorisent les personnes qui le désirent de connaître l'identité du donneur.
On a voulu jouer les apprentis sorciers et on continue aujourd'hui encore avec les mère porteuses, les dons d'ovocytes, les embryons congelés, le clonage...
Qui se préoccupe en France des dégâts psychologiques des adultes en devenir à partir de ces expériences ?...
Pour moi, il ne s'agit pas de porter un jugement moral mais de s'arrêter sur cette dernière considération et d'en débattre. Sinon, les psychogénéalogistes -entre autres aidants psychologiques- vont avoir beaucoup de travail...